Pourquoi ?

Je trouve qu’en ce moment les enfants de 5ème et 6ème primaire sont particulièrement agressifs.
Je dois intervenir chaque jour pour des conflits alliant les injures et les coups et j’ai l’impression de sévir « dans le vent ».

Des « jeux » fleurissent et fanent chaque semaine.
Ces jeux sont bêtes et méchants et les règles sont simplistes.
En fait, le jeu lui même n’est qu’un prétexte pour légitimer la violence.
Par exemple, je suis déjà intervenue pour interdire le « tu m’as vu » … les joueurs posent les doigts sur une partie du corps de l’un d’eux et si celui-ci porte le regard sur les doigts, on lui donne un coup de poing sur l’épaule. Il a perdu… donc on le bat.
Un autre « jeu » est de se courir après, genre jeu de touche-touche, mais au lieu de simplement poser la main sur l’épaule ou le dos, le principe est d’envoyer un coup de pied dans le mollet… je t’ai rattrapé, je te bats !

Je me souviens de mes jeux dans la cour de récréation à leur âge…
C’était dans le milieu des années 70… oui je sais ça me donne un coup de vieux rien que de l’écrire.
J’étais généralement une solitaire.
Je profitais de la récré pour m’isoler et dévorer des bouquins (période Club des cinq).
Je trouvais les jeux de mes copines de classe très niais et sans intérêt.
Les filles jouaient à la barbie, à la corde, au cerceau, à l’élastique, aux comptines frappées (celles qu’on chante en se tapant dans les mains selon un rythme et une chorégraphie bien définis) mais surtout, les filles se crêpaient sans cesse le chignon !
Un jour elles étaient amies, le lendemain elles se détestaient… et j’avais horreur de ces chamailleries criardes.
Les jeux des garçons m’intéressaient beaucoup plus.
A part le foot, dont je tentais de décrypter les règles qui fluctuaient d’un groupe à l’autre, je m’intégrais régulièrement dans leurs délires…

Faire la course, jouer à chat, partager des parties de billes… ça me parlait plus que les poupées ! 

Je me souviens d’un jeu de garçon où j’excellais.

Un costaud s’appuyait des deux mains face contre le mur et le dos plat en angle droit avec ses jambes, un autre se mettait dans la même position à sa suite en prenant appui sur le derrière du premier et parfois un troisième clôturait la chaîne. Le but étant que tous les autres s’élancent les uns après les autres pour enfourcher ce cheval à deux ou trois têtes et que tous parviennent à s’asseoir sans faire tomber les porteurs.
Je partais la première car j’arrivais à sauter loin et à me retrouver assise sur les épaules du premier. Ce qui laissait plus de place aux autres.
Pas vraiment de perdants ou de gagnants mais de franches parties de rigolades lorsque nous tombions tous tête-bêche dans un mode pyramide qui s’écroule.
Des bleus et des bosses en prime mais rares étaient ceux qui se plaignaient de ces blessures de guerres…

Mais je me souviens aussi d’autres jeux moins reluisants…
Je me souviens du petit roux Leprune après lequel nous courions pour lui botter le derrière d’un coup de genou bien senti en lançant un « pépéte » qui ne le faisait pas vraiment rire même si jamais il ne s’en est plaint auprès des professeurs.
Je revois encore ce petit bigleux dont j’ai oublié le nom qui était dans la classe du dessous et qui était vraiment très laid.
En plus, pour corriger sa vue, il portait un cache…
On ne lui disait rien, on ne le touchait même pas mais chaque fois qu’on le croisait le ‘jeu » consistait à éclater de rire en le montrant du doigt.
Et plus il nous regardait avec son oeil malheureux, plus on riait.
Je revois aussi le gros Batavia qui devenait tout rouge quand on tournait autour de lui en scandant « Batavia, qu’a du gras en d’sous des bras ».

Franchement, avec le recul, on n’était vraiment pas gentils !
Ces pauvres gars ont dû vivre un enfer quotidien sans moufter.
C’était du harcèlement ordinaire, celui qu’on condamne maintenant mais pour lequel les adultes de l’époque fermaient les yeux car ce n’était « que » des jeux d’enfants.
Et moi, en tant qu’enfant, je n’ai jamais eu l’impression de faire du mal.
On « s’amusait » sans se rendre compte des blessures que nous pouvions infliger. Personne pour nous dire d’arrêter, aucune campagne de sensibilisation, des « grandes personnes » qui en ajoutaient parfois une couche en riant et en nous éparpillant d’un « allez jouer ailleurs et laissez-le tranquille » débonnaire.
Bref, si on m’avait expliqué à l’époque que ces agissements étaient une forme de violence, aurais-je pu l’entendre et corriger mon comportement ?


Les enfants actuels, on rabâche leurs oreilles de prévention, de conseils, d’interdictions. On incite les victimes à dénoncer les dérives.
Et malgré ça j’ai l’impression que le plaisir principal de certains est vraiment de faire mal. Souvent ils se justifient d’un « il m’a traité » impossible à prouver.

En plus, les parents les soutiennent:
– Mais madame si l’autre le traite de gros, de moche, d’arabe, de fils de… (au choix, liste non exhaustive et même très très longue) il faut bien qu’il se défende !
– En donnant un coup de poing ?
– Oui puisque les profs n’interviennent pas !
– Il l’a signalé à qui ?
– Heuu…

Lorsqu’un élève est soupçonné de violence il m’arrive souvent de monter sur mon perchoir… une classe à l’étage de la fenêtre de laquelle j’ai une vue plongeante sur la cour de récréation.
Cachée à la vue des élèves je me focalise sur le présumé coupable et j’observe son comportement durant un quart d’heure.

Parfois je me rends compte que le suspect* est en fait une victime qui démarre au quart de tour et qui fonce dans le tas en réaction.
Les autres le cherchent… et le trouvent !
Il suffit souvent d’une étincelle… un mot, une allusion, une bousculade et hop !

Mais l’agresseur type est édifiant:

C’est un enfant parmi les autres qui rit et semble beaucoup s’amuser.
Parfois seul mais souvent avec un, deux ou trois comparses.
Il court à gauche, à droite, suivi de son public restreint mais admiratif et, soudain, pousse l’un, envoie un croche-pied à l’autre et attend la réaction de sa victime.
Si la victime ne réagit pas et poursuit son activité il ne s’éternise pas, déjà content du coup donné.
Si la cible s’arrête et se retourne prête à en découdre (notre victime du départ), le jeu devient intéressant.
On va la pousser à l’injure et se fabriquer ainsi un bon motif pour la castagne.
Et souvent ça marche et ça part très vite en cacahuète.


C’est à ce moment, souvent, que le surveillant va intervenir car là, ça commence à se voir et à s’entendre grâce aux encouragements ou à l’indignation du public.
Le surveillant, jusqu’à ce moment, n’a vu que des enfants qui jouaient.
Il n’avait donc aucune raison de s’agiter.
Il se retrouve soudain entouré d’enfants vociférants.
Les deux protagonistes pleurnichent en mode victime tous les deux (et ils ont parfois tous les deux des marques genre hématome ou griffure).
C’est pas moi, c’est lui… et il est difficile voire impossible de définir avec certitude qui est l’agresseur et qui est l’agressé.
L’un a raison et l’autre ment mais tous les deux ont usé de violence dans l’échange…
Alors, faute de détricoter le vrai du faux, les deux protagonistes sont isolés contre le mur le temps que tout le monde se calme et on me les envoie pour soigner les bobos et résoudre le mystère. Avec la ribambelle de « témoins » qui suivent.

Quand j’ai assisté au spectacle, je redescends de mon perchoir pour aller régler les comptes mais même là, alors que j’ai été témoin de la scène et que je me fâche, le harceleur parvient à jouer au Caliméro en incriminant sa victime avec des yeux tellement larmoyants que ça en devient risible.
Et les autres autour approuvent ou crient au scandale selon le camp qu’ils défendent…

Cette mauvaise fois m’insupporte…
La vérité sort de la bouche des enfants dit-on.
Et bien moi je peux vous dire que certains sont des as du mensonge et de la déformation d’événements.

Mais ma question reste sans réponse:

Pourquoi ?

* J’ai utilisé le masculin… mais les filles sont parfois pire que les garçons 😉


3 commentaires sur “Pourquoi ?

  1. Je croyais que votre astérisque allait renvoyer à …
    * Il vaut mieux être suspect que lèche-cul

    >Caliméro
    Ma pôv dame, plus personne ne connaît Caliméro ! D’ailleurs c’est vraiment trop injuste.

    >période Club des cinq
    J’étais fan de Fantomette. Les galeries Farfouillette, trop bien…

    Chuis pas sûr qu’on était des anges, loin de là. La différence était que quand on se plaignait aux parents, la réponse était « t’avais qu’à pas faire le con » et basta.
    Plus les gens ont le monde à leur portée avec les %@# réseaux sociaux et internet, plus ils en adoptent le moteur : l’indignation : « QUOI ? Il t’a dit que t’étais un fils de bourge ? Attends un peu ! »

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